Par Sophie Motsch

La collection de céramique du XVIIe-XVIIIe siècles du MAD est riche de près de 6000 œuvres. Parmi les 123 pièces de faïence de Moustiers, plus de la moitié est entrée dans les premières années du XXe siècle par les dons de Jules Maciet (1846-1911), père fondateur et grand donateur du musée à l’origine même de la création de la bibliothèque et du musée des Arts décoratifs et Henri Le Secq des Tournelles (1853-1925) plus connu pour sa collection de ferronnerie. Toutefois, on ne sait pas comment ils les avaient eux-mêmes acquises pas plus qu’on ne connaît leurs motivations. C’est un ensemble de 25 pièces qui est désormais présenté dans une vitrine au 3ème étage du musée depuis décembre 2021.


Les aménagements muséographiques de 2006 ne permettant pas le déploiement de l’ensemble de la collection de céramique du XVIIIe siècle, il a été décidé de procéder à des rotations au fil du parcours chronologique ; après Rouen et ses saupoudreuses, aiguières et brocs à cidre, bannettes, salières et boîtes à épices, c’est au tour de Moustiers d’être mis à l’honneur.
Le choix des pièces s’est fait selon plusieurs critères parmi lesquels leur typologie variée, leurs dimensions et leur état de conservation, permettant au visiteur de se faire une idée de la richesse et de la diversité des formes comme des motifs caractéristiques de la manufacture provençale. Trois thèmes ont été retenus déployés sur les trois étagères : le bleu et blanc, la polychromie associée à la représentation mythologique et les plats de grand format.

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Cette vitrine est située dans une salle décorée d’un plafond par Claude III Audran, peint vers 1720, qui provient de l’hôtel parisien de la comtesse de Verrüe (1670-1736). Le décor de singeries qui se trouve également sur l’imposante corniche compte parmi les sujets à la mode à laquelle Moustiers sacrifiera. En effet, sur la rare cheminée datant des années 1720-1730 (entrée en 1923 par l’unique don de Alfred Donat-Agache, urbaniste), installée dans la salle précédente, se déploie un décor de grotesques dit en candélabre exécuté avec une grande finesse où des singes se mêlent à des créatures hybrides, des végétaux et des éléments d’architecture.

 

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Sur l’étagère supérieure de la vitrine, un ensemble de pièces de forme, au décor de guirlandes suspendues à des rubans et médaillon dans une polychromie d’ocre, orange, jaune, vert et bleu, est groupé autour d’une fontaine murale accompagnée de son bassin. Les dieux et déesses de la mythologie classique sont présents sur les deux éléments : Amphitrite sur son char sur la fontaine et Apollon et les muses sur le bassin. Bouillon à oreilles, rafraîchissoir et assiettes montrent la variété des pièces en usage pour les arts de la table. Sur l’étagère médiane, le couvert a été dressé pour une personne et les faïences ont été associées à des éléments en verre dont le filet bleu est coordonné au célèbre émail moustierien. Pièce maîtresse de la table, le surtout est représenté par un plateau octogonal à bords relevés et dentelés, quant à l’aiguière casque dont la forme est issue de l’orfèvrerie, elle se retrouve dans les mêmes années dans la faïence de Rouen.

 

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Enfin, sur l’étagère inférieure, deux grands plats de monstre illustrent le thème de la faïence purement décorative. Au centre du plus grand, spectaculaire par la qualité de son émail et de son décor, un médaillon illustre un épisode de la conquête de la Toison d’or au cours duquel Jason verse un poison sur la tête du dragon qui en a reçu la garde. Encadrant ce décor historié, Apollon et Hercule ferment la composition centrale. La finesse d’exécution du motif principal n’a rien à envier à l’harmonie du décor peuplé d’éléments architecturés et de créatures hybrides appartenant au vocabulaire propre à Jean Bérain, l’ornemaniste dont l’œuvre gravée, largement diffusée, est à la base des plus belles créations en faïence de Moustiers.