par Jacques Bacconnier

 

Dans la famille des astéracées on trouve le chrysanthème (fleur d’or) :

En Chine il est le symbole de la longévité et il se consomme en infusion car riche en sélénium. Au Japon le trône du chrysanthème représente le pouvoir impérial. En France il signifie un amour terminé et il est relié au culte des morts vu sa floraison tardive.


Connu dès le XVII° siècle par des gravures, il est rapporté pour la première fois en France par le marseillais Pierre Louis Blancard. Celui-ci, commandité par la famille d’Audibert de Ramatuelle ramènera à Aix pour le Chanoine Thomas d’Audibert quatre plans de chrysanthème dont un seul survivra et sera par la suite bouturé puis envoyé au Jardin du Roy à Paris. Le Chanoine poursuivra à Paris pendant le début de la Révolution ses études sur la camomille à grande fleur nom donné au chrysanthème ; en Juin 1794 il fera une chute mortelle en tentant de s’échapper de la Prison de la Force où il était incarcéré comme prêtre réfractaire, ce qui lui évitera la guillotine.


La Veuve Perrin va s’inspirer d’un décor de la compagnie des Indes pour créer une série de plats imposants inconnus dans sa production car de 49 cm de diamètre.
Le modèle initial est dérivé de ceci :

 

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La camomille à grande fleur

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Compagnie des Indes

La production de la Compagnie des Indes est stéréotypée au millimètre près : assiette de 22,7 cm en porcelaine polychrome rehaussée d’or regroupant trois bouquets cernés d’un ruban doré lancéolé et il existe de nombreuses pièces de forme à ce type.

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La Veuve Perrin produira au modèle une série de grand plats (49 cm de diamètre) deux exemplaires connus dans les collections du Musée Borely (donation Jourdan-Barry) un au musée des arts décoratifs, un au musée du Louvre et un en collection privée.


Elle va présenter une version épurée du chrysanthème par rapport au modèle des Indes.

 

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Compagnie des Indes

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Veuve Perrin petit feu

 

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Veuve Perrin grand feu

Au Musée de Sèvres il existe un plat ovale 38cm au modèle :

 

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Elle produira au modèle des assiettes de 24cm petit feu et grand feu mais avec les couleurs réservées à cette technique. Ces couleurs reprennent celles de la Compagnie des Indes l’or étant remplacé par une teinte brun orangé.

 

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L’attribution à l’atelier de la Veuve Perrin se fait essentiellement par la présence d’insectes en l’occurrence des coccinelles sur les grands plats ainsi que sur les assiettes grand feu et petit feu.

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On peut donc considérer qu’il existe un véritable échange entre la Compagnie des Indes et la Veuve Perrin : celle-ci fait un copier-coller du décor asiatique en y rajoutant des insectes signe de sa marque et en prenant cette répartition des tiges pour désormais ordonnancer ses bouquets dans ses jetés de fleurs.


S’il est avéré que la Chine par le biais de la Compagnie des Indes a effectué sur commande des services de table notamment armoriés en copiant un dessin européen préalablement transmis, ce type de transaction ne peut être retenu pour la Veuve Perrin. En effet la bordure de l’aile est soulignée d’un filet lancéolé spécifique de la Chine et non de la Veuve Perrin qui ne l’a jamais repris sur aucun de ses décors pas plus d’ailleurs que les autres faïenciers marseillais. Ensuite quid des insectes ? en l’occurrence des coccinelles qui auraient alors été négligées par les copistes chinois. Enfin le graphisme du chrysanthème chinois va avec la Veuve vers une simplification minimaliste des pétales que ce soit en grand feu et en petit feu.