Par Alain Rathery

 

Lorsque l’on recherche les œuvres ayant pu influencer les faïenciers marseillais pour la composition de leurs décors champêtres, les noms des paysagistes hollandais « italianisants » du XVIIe siècle tels Nicolaes Berchem, Karel Dujardin ou Jan Asselijn sont fréquemment évoqués. De même sont mentionnés les peintres français de paysage du XVIIIe siècle, notamment Jean Pillement, Hubert Robert ou Philippe-Jacques de Loutherbourg. Toutefois au regard des scènes reproduites sur les faïences marseillaises de petit feu et pour caractériser ce qu’a pu être l’apport extérieur des peintres de paysage, plus que de copie, il vaut mieux parler d’un climat naturaliste qui prévaut dans tous les arts décoratifs du XVIIIe siècle.

S’ils ont sans nul doute utilisé le modèle des grands paysagistes contemporains ou du siècle précédent, les peintres marseillais sur faïence ont soigneusement évité de reproduire avec précision les sites, les monuments ou la végétation qu’ils pouvaient admirer en Provence ou sur les œuvres de peintres renommés, préférant inventer des scènes imaginaires avec une grande liberté de création, une incontestable vivacité du dessin et parfois même une note d’humour.

Pour ce qui concerne les personnages animant ces paysages, depuis l’exposition de 1990 consacrée à la production de la Veuve Perrin, on a la preuve que les peintres de cette manufacture ont directement copié des figures dessinées par Walker et Pillement publiées dans le recueil de modèles « The ladies amusement » édité par Robert Sayer en 1762. Jamais jusqu’ici les œuvres des peintres flamands n’avaient été évoquées comme source d’inspiration possible pour les faïenciers marseillais. Des recherches récentes montrent que Gaspard Robert a certainement eu connaissance des travaux de David Teniers II le Jeune (1610-1690), largement diffusés par la gravure, et n’a pas hésité à reprendre certains personnages créés par ce peintre.

Dans une assiette du service dit « à la double flèche » de Robert, les deux paysans discutant sont sans aucun doute tirés du tableau de Teniers intitulé « L’été » qui a fait l’objet de nombreuses gravures.

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On retrouve exactement les deux mêmes personnages dans une corbeille en camaieu vert ayant fait partie de la donation Jourdan Barry :

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 Cette corbeille ovale qui pourrait appartenir à l’un des services commandés par le cardinal Podoski, fait partie d’une paire. Les personnages de la seconde corbeille sont indéniablement tirés d’un autre tableau de David Teniers nommé « L’hiver », pendant probable de « L’été ».

 

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